Publié le 18 avril 2024

Contrairement à la croyance populaire, la modernisation du transport canadien n’est pas une simple course à la technologie, mais une partie d’échecs stratégique contre notre climat, nos distances et nos réglementations.

  • Les innovations comme le platooning et les camions électriques se heurtent à la dure réalité de l’hiver canadien, exigeant des adaptations coûteuses plutôt qu’une adoption directe.
  • La véritable performance ne réside pas dans le choix entre rail et route, mais dans leur intégration intelligente et la digitalisation des points de connexion comme les terminaux de Montréal.

Recommandation : L’enjeu pour les entreprises n’est pas d’adopter chaque nouvelle technologie, mais de construire une chaîne d’approvisionnement résiliente en misant sur la visibilité et la diversification stratégique des modes de transport.

Quand on parle du transport de marchandises, l’image qui vient souvent en tête est celle d’un camion solitaire filant sur la Transcanadienne. C’est une vision romantique, mais aujourd’hui, elle est complètement dépassée. Pour nous qui sommes sur le terrain depuis des décennies, le secteur est en pleine ébullition, pris entre des défis colossaux et des innovations qui ressemblent parfois à de la science-fiction. On entend partout qu’il faut passer à l’électrique, automatiser, digitaliser. Ces mots-clés sont sur toutes les lèvres, mais ils masquent une réalité bien plus complexe.

La vérité, c’est que la chaîne d’approvisionnement canadienne est un organisme vivant, incroyablement complexe, où chaque décision est un arbitrage. Le véritable enjeu n’est pas de savoir SI nous allons adopter l’intelligence artificielle ou les camions sans conducteur, mais COMMENT nous allons les intégrer de manière pragmatique dans un écosystème défini par des distances immenses, un climat impitoyable et des réglementations uniques, notamment au Québec. Le débat simpliste opposant le camion au train ou le diesel à l’électrique passe à côté de l’essentiel.

Et si la clé n’était pas de trouver la solution miracle, mais de maîtriser l’art de combiner les forces de chaque option ? Si la résilience de notre économie ne dépendait pas d’une technologie révolutionnaire, mais de notre capacité à jouer cette partie d’échecs logistique avec intelligence et prévoyance ? Cet article propose de décortiquer, sans jargon inutile et avec le recul de l’expérience, les véritables batailles qui se jouent en coulisses, des pelotons de camions aux défis du dernier kilomètre à Montréal, pour comprendre ce qui va réellement façonner l’avenir de tout ce qui arrive jusqu’à vous.

Pour naviguer à travers ces enjeux complexes, cet article est structuré pour aborder, point par point, les innovations et les défis qui redéfinissent le transport de marchandises. Vous y découvrirez les coulisses d’une transformation silencieuse mais fondamentale pour notre économie.

Le train de camions : comment la technologie du « platooning » va rendre le transport routier plus sûr et plus écologique

L’idée du « platooning », ou pelotonnage de camions, fait rêver plus d’un gestionnaire de flotte. Imaginez : un convoi de camions connectés numériquement, se suivant à quelques mètres de distance seulement, le premier véhicule contrôlant l’accélération et le freinage des autres. Sur le papier, les avantages sont évidents. La réduction de la traînée aérodynamique permet des économies de carburant substantielles, avec des estimations prometteuses. Des données fiables indiquent une réduction de consommation de 10 à 15%, ce qui, à l’échelle d’une flotte, représente une somme colossale et un gain environnemental non négligeable.

De plus, en automatisant la réaction des véhicules suiveurs, on élimine le temps de réaction humain, ce qui augmente considérablement la sécurité et réduit les risques de collisions en chaîne. Cette technologie de communication de véhicule à véhicule (V2V) est mature et les projets pilotes en Europe et aux États-Unis ont montré des résultats probants sur des autoroutes sèches et prévisibles.

Cependant, la réalité du terrain canadien vient rapidement tempérer cet optimisme. Le véritable test pour le platooning n’est pas sur une autoroute californienne, mais sur la 401 en plein mois de janvier. Les conditions hivernales, avec la neige, la glace et le calcium, posent un défi immense aux capteurs (lidars, radars) qui sont les yeux de ces systèmes. Un capteur obstrué par la glace peut rendre tout le système inopérant, voire dangereux. La mise en place de protocoles de sécurité spécifiques à notre climat est un prérequis absolu qui n’a pas encore été entièrement validé à grande échelle.

Trois camions semi-remorques en formation de platooning sur une autoroute enneigée canadienne

L’intégration pragmatique du platooning au Canada ne sera donc pas un simple « copier-coller ». Elle nécessitera des investissements dans des capteurs plus robustes, des systèmes de nettoyage automatisés et, surtout, une approche progressive, peut-être limitée à certains corridors et à certaines saisons dans un premier temps. La promesse est réelle, mais le chemin pour y parvenir est pavé de défis typiquement canadiens.

Le virage électrique du transport lourd : est-ce vraiment possible et pour quand ?

Le passage au tout-électrique est présenté comme la solution ultime pour décarboner le transport routier. Les gouvernements, tant fédéral que provincial au Québec avec son Plan pour une économie verte, poussent en ce sens avec des subventions alléchantes. Pour un gestionnaire de flotte, l’idée de se libérer de la volatilité des prix du diesel est séduisante. Mais là encore, la réalité du terrain nous rattrape vite. La question n’est pas de savoir si nous voulons des camions électriques, mais si nous pouvons réellement les opérer efficacement 365 jours par an au Canada.

Le principal obstacle, que tout le monde connaît mais que certains sous-estiment, est l’impact du froid sur les batteries. Une perte d’autonomie de 30% à 50% en hiver n’est pas une exception, c’est la norme. Pour une opération de longue distance, cela signifie des arrêts de recharge plus fréquents et plus longs, ce qui anéantit la rentabilité d’un trajet. À cela s’ajoute le défi colossal de l’infrastructure de recharge. Un camion électrique lourd requiert des méga-chargeurs capables de livrer une puissance immense, une infrastructure quasi inexistante le long de nos grands axes routiers en dehors de quelques projets pilotes.

Le virage électrique est donc, pour l’instant, une stratégie viable principalement pour des applications urbaines ou régionales avec retour au dépôt chaque soir (comme la livraison ou la collecte de matières résiduelles). C’est dans ces niches que le calcul du coût total de possession devient avantageux. Pour les PME qui envisagent cette transition, une planification rigoureuse est non seulement recommandée, elle est vitale.

Votre plan d’action pour la transition électrique d’une flotte au Québec

  1. Évaluer l’infrastructure électrique existante au dépôt et définir les besoins précis de recharge pour la flotte.
  2. Identifier et postuler aux subventions disponibles via le Plan pour une économie verte 2030 du Québec pour réduire l’investissement initial.
  3. Calculer le coût total de possession (TCO) en intégrant de manière réaliste l’impact de la perte d’autonomie hivernale sur les opérations.
  4. Planifier l’ingénierie et l’installation de bornes de recharge haute puissance, en collaboration avec Hydro-Québec.
  5. Mettre en place un programme de formation pour les mécaniciens et les chauffeurs sur les spécificités des véhicules électriques lourds.

Le virage électrique se fera, mais il sera progressif et segmenté. Penser qu’il remplacera le diesel sur la longue distance d’ici cinq ans est une illusion. La vraie stratégie est d’identifier les segments de sa propre flotte où l’électrique est déjà pertinent aujourd’hui, et de planifier le reste pour une transition à plus long terme.

Rail ou route ? Le grand match du transport de marchandises pour savoir qui est le plus performant sur la longue distance

C’est le débat classique dans le monde de la logistique : pour un trajet Montréal-Vancouver, vaut-il mieux charger un train ou une flotte de camions ? La réponse simple, souvent entendue, est que le rail est moins cher et plus écologique. C’est vrai, mais c’est une vision incomplète de la partie d’échecs logistique. Le choix entre le rail et la route dépend entièrement de la nature de la marchandise, des impératifs de temps et du coût total de la chaîne, pas seulement du coût par tonne-kilomètre.

Le transport ferroviaire est le champion incontesté du volume et du coût sur la très longue distance. Déplacer des matières premières ou des biens de consommation non urgents sur des milliers de kilomètres est sa raison d’être. Ses émissions de gaz à effet de serre sont aussi significativement plus faibles. Cependant, sa rigidité est son talon d’Achille. Un train va d’un terminal à un autre, point final. Cela implique des ruptures de charge (chargement et déchargement) et des transports pré et post-acheminement par camion, ce qu’on appelle le « dernier kilomètre ». Ces étapes ajoutent des délais, des coûts et des risques de bris.

Le transport routier, lui, offre une flexibilité porte-à-porte imbattable. Pour des marchandises à plus haute valeur ajoutée ou sensibles aux délais, il reste souvent la seule option viable. Le tableau ci-dessous, basé sur les réalités des corridors canadiens, résume bien les forces et faiblesses de chaque mode.

Cette comparaison met en lumière les arbitrages constants auxquels les gestionnaires font face, comme le montre une analyse comparative des modes de transport au Canada.

Comparaison Rail vs Route pour les corridors canadiens
Critère Transport ferroviaire Transport routier
Coût Montréal-Toronto / tonne-km ~0,03 $ ~0,08 $
Émissions GES Jusqu’à 75% moins élevées Référence
Flexibilité Limitée aux terminaux Porte à porte
Délai moyen 3-5 jours (incluant transbordement) 1-2 jours

La véritable innovation ne se trouve plus dans l’opposition de ces deux modes, mais dans leur intégration. Le transport intermodal, qui combine le meilleur des deux mondes, est l’avenir. De plus, des initiatives comme les partenariats stratégiques que le CN et le CPKC développent avec les communautés des Premières Nations pour créer de nouveaux terminaux intermodaux montrent que le rail cherche à gagner en flexibilité et à optimiser les corridors de transport pour mieux servir l’ensemble du territoire.

Personne au volant : comment la pénurie de camionneurs menace de paralyser notre économie (et les solutions pour y remédier)

On peut avoir les camions les plus technologiques et les chaînes logistiques les plus optimisées, s’il n’y a personne pour tenir le volant, tout s’arrête. La pénurie de camionneurs n’est pas un problème nouveau, mais elle atteint un point critique au Canada, et particulièrement au Québec. Ce n’est pas seulement une question de salaire ; c’est une crise démographique et d’image. Selon l’Association du camionnage du Québec, seulement 6% de la main-d’œuvre du secteur a entre 15 et 24 ans. La relève n’est tout simplement pas là.

Au Québec, la situation est exacerbée par une contrainte réglementaire unique : l’obligation d’avoir 36 mois d’expérience de conduite automobile avant de pouvoir obtenir son permis de classe 1, une barrière à l’entrée qui n’existe pas dans les autres provinces et qui décourage les jeunes finissant leur secondaire de se tourner vers ce métier. Il est urgent de repenser ces barrières si l’on veut attirer du sang neuf.

Mais au-delà des réglementations, la solution passe par une revalorisation profonde du métier. L’image du camionneur solitaire et usé par la route doit laisser place à celle d’un professionnel qualifié, opérant des équipements de haute technologie. Comme le dit si bien Richard Maskaleut, camionneur chez Groupe Robert depuis 1991 :

Le bureau est mobile, on a des fenêtres, on écoute la musique qu’on veut, ça fait différent d’une usine.

– Richard Maskaleut, Camionneur chez Groupe Robert

Cette vision positive doit être au cœur des campagnes de recrutement. Les entreprises qui réussissent à attirer et retenir leurs chauffeurs sont celles qui investissent massivement dans le confort et la technologie. Les cabines modernes ne sont plus de simples postes de conduite ; ce sont des espaces de vie ergonomiques, équipés de sièges chauffants et ventilés, de systèmes d’aide à la conduite avancés et d’une connectivité sans faille.

Intérieur high-tech d'une cabine de camion moderne avec équipements de confort et systèmes d'aide à la conduite

Attirer la nouvelle génération, comme le souligne Marc Cadieux, président de l’Association du camionnage du Québec, c’est aussi aller les chercher là où ils sont, notamment sur les plateformes numériques comme YouTube, pour leur montrer la réalité moderne du métier. Le maillon humain reste et restera le plus critique de notre chaîne logistique ; le négliger, c’est mettre en péril toute notre économie.

Le camion qui ne tombe jamais en panne : comment l’IA et les capteurs permettent de prédire les bris mécaniques avant qu’ils ne surviennent

Pour un transporteur, il n’y a rien de pire qu’une panne imprévue. Un camion immobilisé sur le bord de l’autoroute, c’est une livraison en retard, un client mécontent, des coûts de réparation d’urgence exorbitants et un cauchemar logistique. Traditionnellement, la maintenance était soit réactive (on répare quand ça casse), soit préventive (on change les pièces à intervalles fixes, qu’elles soient usées ou non). Aujourd’hui, nous entrons dans l’ère de la maintenance prédictive, propulsée par l’intelligence artificielle et les capteurs IdO (Internet des Objets).

Le concept est simple mais puissant : au lieu d’attendre la panne, on la prédit. Des dizaines de capteurs installés sur le moteur, la transmission, les freins ou les pneus collectent des données en temps réel : vibrations, température, pression, etc. Ces données sont analysées par des algorithmes d’IA qui apprennent à reconnaître les « signatures » d’une défaillance imminente. Le système peut alors alerter le gestionnaire de flotte des semaines avant que la pièce ne lâche, permettant de planifier une intervention au garage lors d’un temps mort planifié.

Cette approche transforme complètement la gestion des actifs. On ne parle plus seulement d’entretien, mais d’une véritable « intelligence des actifs ». L’objectif est de maximiser le temps de disponibilité de chaque camion. Pour une PME québécoise, l’investissement initial en capteurs et en plateformes logicielles peut sembler élevé, mais le retour sur investissement est rapide. Il suffit de quantifier les coûts actuels des pannes (temps d’arrêt, remorquage, pénalités de retard) pour comprendre le gain potentiel. En moyenne, on estime que la maintenance prédictive peut réduire les temps d’arrêt de 30 à 50% et allonger la durée de vie des équipements de 15 à 20%.

Cette technologie ne remplace pas les inspections réglementaires, comme les quelque 6 000 inspections planifiées et réactives effectuées par Transport Canada chaque année, mais elle les complète. Elle permet de passer d’une conformité subie à une fiabilité proactive. Le camion qui ne tombe jamais en panne n’est plus un mythe ; c’est l’objectif tangible vers lequel toute l’industrie se dirige.

Le dernier kilomètre sur les rails : quel terminal intermodal choisir pour expédier rapidement depuis Montréal ?

Le port de Montréal est une porte d’entrée majeure pour les marchandises en Amérique du Nord, et ses terminaux intermodaux sont le point de connexion névralgique entre le transport maritime, ferroviaire et routier. Pour un importateur ou un exportateur, la fluidité des opérations dans ces terminaux est absolument critique. Un conteneur qui reste bloqué une journée de trop peut mettre à mal toute une chaîne de production. Le choix du bon terminal et la compréhension de son fonctionnement sont donc des décisions stratégiques.

Historiquement, les terminaux étaient des boîtes noires, sources de frustration pour les camionneurs confrontés à des files d’attente interminables. Heureusement, la situation évolue rapidement grâce à une vague de digitalisation. Les principaux terminaux de la région montréalaise (opérés par le CN et le CPKC) adoptent des technologies qui améliorent drastiquement la fluidité. Les portails de rendez-vous en ligne permettent aux transporteurs de planifier l’arrivée de leurs camions, évitant les congestions aux portes.

De plus, des technologies comme la reconnaissance optique de caractères (OCR) pour identifier automatiquement les conteneurs accélèrent les processus de vérification et réduisent les erreurs manuelles. Ces innovations ne sont pas des gadgets ; elles ont un impact direct et mesurable sur la performance. Par exemple, des acteurs majeurs du transport comme Transport Bourassa, une entreprise reconnue pour sa bonne gestion au Canada, rapportent que ces outils ont permis de réduire les temps d’attente des camionneurs jusqu’à 40%.

Choisir le bon terminal à Montréal ne se résume donc plus seulement à sa localisation géographique ou aux services ferroviaires qu’il propose. Il faut désormais évaluer son niveau de maturité numérique. Un terminal qui offre une visibilité en temps réel sur le statut des conteneurs, des systèmes de rendez-vous efficaces et des processus automatisés offrira un avantage concurrentiel indéniable en réduisant les délais et les incertitudes, optimisant ainsi cette étape cruciale du « dernier kilomètre » sur rail.

La menace invisible : la méthode pour découvrir qui sont les fournisseurs de vos fournisseurs et éviter la catastrophe

La pandémie nous l’a appris de manière brutale : nous ne maîtrisons pas ce que nous ne voyons pas. La plupart des entreprises connaissent bien leurs fournisseurs directs (le « rang 1 »), mais n’ont aucune idée de qui sont les fournisseurs de leurs fournisseurs (rang 2), et encore moins ceux de rang 3 ou 4. C’est ce qu’on appelle le manque de visibilité de rang N. Or, c’est souvent dans ces profondeurs invisibles de la chaîne d’approvisionnement que se nichent les plus grands risques.

Une usine qui brûle en Asie, une grève dans un port sud-américain, une nouvelle réglementation environnementale en Europe : un événement chez un fournisseur de rang 3 peut subitement paralyser votre production, sans que vous n’ayez rien vu venir. Attendre que votre fournisseur de rang 1 vous annonce la mauvaise nouvelle, c’est déjà trop tard. La résilience d’une entreprise moderne se mesure à sa capacité à anticiper ces chocs.

Cartographier sa chaîne d’approvisionnement n’est plus un luxe, c’est une nécessité. La méthode est rigoureuse mais indispensable. Elle commence par un travail d’enquête auprès de ses fournisseurs directs pour identifier leurs propres sources critiques. Ensuite, des outils technologiques, comme la traçabilité par blockchain, permettent de suivre les flux de matières premières de manière infalsifiable à travers toute la chaîne. Enfin, il s’agit d’intégrer des critères de risque (géopolitique, climatique, social) dans l’évaluation de chaque maillon, même les plus lointains, pour établir des plans de contingence solides.

Visualisation abstraite d'un réseau complexe de chaîne d'approvisionnement avec multiples connexions

Même si les transporteurs locaux affichent des taux de performance excellents (des acteurs comme Transport Econo Nord rapportent près de 98% des expéditions livrées à temps), cette fiabilité ne vous protège pas d’une rupture d’approvisionnement en amont. La véritable maîtrise logistique aujourd’hui, c’est d’étendre son regard bien au-delà de son propre quai de chargement. C’est un changement de paradigme fondamental pour passer d’une gestion de la logistique à une véritable gestion du risque.

À retenir

  • Le platooning et les camions électriques ne sont pas des solutions miracles, mais des outils dont la pertinence dépend de la réalité du terrain canadien (climat, infrastructure).
  • La performance logistique repose sur l’intégration intelligente du rail et de la route (intermodalité) plutôt que sur leur opposition.
  • La crise de la main-d’œuvre ne se résoudra pas sans une revalorisation du métier de camionneur, passant par le confort, la technologie et la réforme réglementaire.
  • La maintenance prédictive par l’IA transforme la gestion des actifs, passant d’une logique de réparation à une logique de fiabilité proactive.
  • La véritable résilience exige une visibilité complète sur tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement pour anticiper les risques plutôt que de les subir.

Après la tempête : comment réinventer nos chaînes d’approvisionnement pour un monde plus incertain

Les crises successives des dernières années ont agi comme un électrochoc. L’ère des chaînes d’approvisionnement mondialisées, optimisées pour le coût le plus bas à tout prix (« just-in-time »), a montré ses limites. La fragilité est devenue le nouveau coût caché. Face à un monde plus incertain, marqué par les tensions géopolitiques, les aléas climatiques et les pandémies, la nouvelle devise est la résilience. Réinventer nos chaînes d’approvisionnement n’est plus une option, c’est une condition de survie.

La stratégie la plus marquante qui émerge est celle de la régionalisation, ou « nearshoring ». Plutôt que de dépendre d’un fournisseur unique à l’autre bout du monde, les entreprises canadiennes cherchent à diversifier leurs sources et à les rapprocher géographiquement. Le corridor de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devient ainsi l’épine dorsale d’une nouvelle stratégie d’approvisionnement nord-américaine. Cette relocalisation stratégique a un impact direct sur les flux de transport.

Selon des publications spécialisées comme Transport Routier magazine, cette tendance a déjà provoqué une augmentation significative du trafic de marchandises sur les routes commerciales entre les trois pays partenaires. On parle d’une hausse qui pourrait atteindre 25% sur certains corridors. Pour les transporteurs canadiens, c’est une opportunité majeure, mais aussi un défi : cela demande plus de camions, plus de chauffeurs, et des passages aux frontières encore plus fluides. Cela renforce également le rôle stratégique du transport intermodal pour connecter efficacement le Mexique, les États-Unis et le Canada.

Construire une chaîne d’approvisionnement résiliente, c’est donc jouer sur plusieurs tableaux : diversifier ses fournisseurs, privilégier des partenaires plus proches, et surtout, bâtir une redondance intelligente. Cela peut vouloir dire avoir un fournisseur secondaire, même s’il est un peu plus cher, ou détenir un stock de sécurité pour les composants critiques. Ce coût supplémentaire n’est plus une dépense, c’est une assurance contre la disruption. Dans cette nouvelle partie d’échecs, la capacité à absorber un choc sans s’effondrer est devenue la qualité maîtresse.

En définitive, la transformation du transport ne se fera pas par une seule innovation, mais par l’orchestration intelligente de toutes ces solutions. Pour mettre en pratique ces réflexions, l’étape suivante consiste à réaliser un audit complet de votre propre chaîne logistique pour en identifier les forces et les vulnérabilités face à ces nouvelles réalités.

Rédigé par Étienne Tremblay, Étienne Tremblay est un stratège d'affaires cumulant plus de 15 ans d'expérience dans l'accompagnement de startups technologiques montréalaises. Son expertise se concentre sur le financement d'amorçage et la mise en marché de produits innovants.