Le multiculturalisme canadien n’est pas une simple célébration de la diversité, mais un ensemble de règles juridiques précises qui définissent des droits et des limites claires pour tous.
- Il établit un cadre légal pour l’égalité d’accès aux services, mais ne protège pas les pratiques qui contreviennent aux droits fondamentaux garantis par la Charte.
- Le modèle québécois, ou interculturalisme, se distingue en favorisant l’intégration autour d’une culture commune francophone, contrairement à la « mosaïque » fédérale.
Recommandation : Comprendre ce cadre juridique est l’étape essentielle pour naviguer les interactions quotidiennes, gérer les demandes d’accommodement au travail et participer à une cohabitation juste et éclairée.
Dans le métro de Montréal, il n’est pas rare d’entendre trois ou quatre langues différentes en l’espace d’un seul arrêt. Au bureau, un collègue peut demander un aménagement d’horaire pour une fête religieuse. Ces situations sont la manifestation quotidienne du multiculturalisme canadien, souvent résumé par l’image d’une « mosaïque culturelle » harmonieuse où chaque pièce conserve sa couleur. Ce concept est devenu une part si intégrante de l’identité canadienne qu’il est facile de le considérer comme une simple philosophie du « vivre-ensemble ».
Pourtant, cette vision idéalisée se heurte rapidement à des questions complexes. Que se passe-t-il quand une pratique culturelle entre en conflit avec une valeur fondamentale comme l’égalité entre les genres ? Jusqu’où un employeur doit-il aller pour accommoder une demande religieuse avant que cela ne devienne une « contrainte excessive » ? La réponse à ces questions ne se trouve pas dans de grands principes abstraits, mais dans un cadre juridique précis et souvent méconnu. Le multiculturalisme n’est pas qu’une idée, c’est une loi, avec des droits, des devoirs et des limites bien définies.
Mais si la véritable clé n’était pas de célébrer la diversité de manière passive, mais de comprendre activement les règles du jeu qui régissent cette cohabitation ? Cet article se propose de décrypter ce cadre légal. Nous allons explorer les fondements du modèle canadien, ses différences avec l’approche québécoise, les limites claires imposées par la loi et les applications concrètes en entreprise et dans les services publics. L’objectif : vous fournir un guide pratique pour naviguer les réalités du multiculturalisme, au-delà du slogan politique.
Pour aborder ce sujet complexe de manière structurée, cet article est organisé en plusieurs sections clés. Nous commencerons par définir les différents modèles de gestion de la diversité pour ensuite plonger dans les aspects légaux, les applications pratiques et les réalités humaines du multiculturalisme au Canada et au Québec.
Sommaire : Le guide pratique du multiculturalisme canadien : lois, limites et réalités quotidiennes
- Multiculturalisme, universalisme, melting-pot : pourquoi le modèle canadien n’est pas ce que vous croyez
- La loi sur le multiculturalisme décryptée : quels sont vos droits réels face aux services publics ?
- Montréal n’est pas Toronto : les différences fondamentales entre le multiculturalisme canadien et l’interculturalisme québécois
- La confusion dangereuse : non, le multiculturalisme ne veut pas dire que toutes les pratiques culturelles sont acceptables
- Accommodements raisonnables en entreprise : le guide pratique pour gérer les demandes sans créer de tensions
- Plus qu’un melting-pot : comment la diversité culturelle est devenue le véritable moteur de Montréal
- Attirer les meilleurs talents du monde : ce que les entreprises les plus attractives de Montréal font différemment
- Les « enfants du multiculturalisme » parlent : comment ils réinventent leur identité canadienne
Multiculturalisme, universalisme, melting-pot : pourquoi le modèle canadien n’est pas ce que vous croyez
Avant de plonger dans les détails juridiques, il est crucial de clarifier les termes. Souvent, les modèles de gestion de la diversité sont confondus. Le plus connu, le « melting-pot » américain, postule que les immigrants doivent s’assimiler et se fondre dans une culture nationale unique, perdant une partie de leur identité d’origine pour en créer une nouvelle, commune. Le modèle canadien s’oppose radicalement à cette idée. Il prône plutôt la « mosaïque culturelle », où chaque groupe conserve ses caractéristiques propres tout en participant à la société globale. C’est l’essence même du multiculturalisme : la coexistence et la reconnaissance de plusieurs cultures distinctes au sein d’un même État.
Cette approche est officialisée par la Loi sur le multiculturalisme canadien de 1988, qui encourage les individus et les communautés à préserver et à partager leur patrimoine. Le gouvernement fédéral s’engage à promouvoir cette diversité comme une caractéristique fondamentale de l’identité et du patrimoine canadiens. En ce sens, comme le souligne une analyse comparative, le multiculturalisme canadien ne reconnaît pas de culture nationale majoritaire, plaçant toutes les cultures sur un pied d’égalité formel. La ville de Toronto en est l’incarnation la plus spectaculaire; avec plus de 51% de sa population s’identifiant comme une minorité visible en 2016, elle est devenue l’une des métropoles les plus multiculturelles du monde.
La loi sur le multiculturalisme décryptée : quels sont vos droits réels face aux services publics ?
La Loi sur le multiculturalisme canadien n’est pas une simple déclaration d’intention. C’est un cadre juridique contraignant qui impose aux institutions fédérales des obligations concrètes. Son objectif principal est de garantir que chaque Canadien, quelle que soit son origine, ait un accès équitable aux services publics et puisse participer pleinement à la vie sociale, économique et politique du pays. Concrètement, cela signifie que les ministères, les agences gouvernementales et les sociétés d’État doivent tenir compte de la diversité culturelle de la population dans leurs politiques et leurs programmes.
Vos droits en tant que citoyen sont donc protégés. Par exemple, un service public fédéral ne peut pas vous refuser un service ou vous traiter différemment en raison de votre origine ethnique, de votre religion ou de votre culture. Cela s’applique à des domaines aussi variés que l’emploi, le logement et l’accès aux prestations sociales gérées par le fédéral. La loi vise à éliminer les barrières systémiques qui pourraient empêcher certains groupes de s’épanouir. Cependant, la mise en application de ces droits n’est pas toujours parfaite. Des situations de discrimination persistent, et les recours sont parfois nécessaires pour faire valoir ses droits.
Comme le souligne Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, dans le rapport d’activités 2023-2024 de la Commission, la discrimination reste une réalité préoccupante. Bien que sa remarque concerne le cadre québécois, elle illustre un défi commun : le droit le plus fréquemment bafoué reste lié au handicap. Dans une déclaration issue du rapport, il note que « la Commission est particulièrement préoccupée par la situation des personnes en situation de handicap. Le handicap représente effectivement le motif de plainte le plus élevé encore cette année, soit plus d’un dossier sur trois. » Cela démontre que même avec un cadre légal, la vigilance et l’action citoyenne sont essentielles.
Si vous estimez avoir été victime de discrimination de la part d’un service public, il est crucial de connaître la marche à suivre pour défendre vos droits. Le processus, bien que formel, est conçu pour être accessible.
Votre plan d’action en cas de discrimination par un service public
- Contacter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour décrire votre situation de discrimination ou de harcèlement.
- Fournir des informations détaillées : compilez les dates, les noms des témoins, le contexte (service impliqué, nature de l’acte) et toute preuve écrite.
- La Commission examinera votre plainte pour déterminer si elle relève de sa compétence en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.
- Si la plainte est recevable, une enquête peut être ouverte pour recueillir et examiner les faits et les preuves de discrimination.
- La Commission privilégiera une médiation entre les parties, mais peut saisir le Tribunal des droits de la personne si aucune entente n’est trouvée.
Montréal n’est pas Toronto : les différences fondamentales entre le multiculturalisme canadien et l’interculturalisme québécois
La distinction entre le multiculturalisme fédéral et l’interculturalisme québécois est l’une des clés les plus importantes pour comprendre la société canadienne contemporaine. Alors que le multiculturalisme prône une « mosaïque » de cultures égales sans hiérarchie, l’interculturalisme québécois propose un modèle différent, fondé sur une « convergence culturelle ». Ce modèle reconnaît la diversité comme une richesse mais insiste sur l’importance d’un socle commun pour assurer la cohésion sociale : la langue française.
Comme le précise l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), la grande différence réside dans la reconnaissance d’une culture fondatrice. Dans une analyse sur le sujet, l’IRPP explique que l’interculturalisme québécois « doit contribuer au patrimoine historique porté par le groupe majoritaire dans un État qui désigne le français comme seule langue officielle, contrairement au multiculturalisme fédéral qui ne reconnaît pas d’une quelconque culture nationale majoritaire. » L’objectif n’est pas l’assimilation, mais une intégration dynamique où les nouveaux arrivants et les communautés culturelles contribuent à l’évolution de la culture québécoise tout en adoptant son cadre linguistique commun.
Montréal est le laboratoire vivant de ce modèle. L’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce en est un exemple frappant. C’est l’un des quartiers les plus cosmopolites du Canada, où plus de 130 langues se côtoient au quotidien, et où 76 % des citoyens sont nés à l’étranger ou ont au moins un parent né hors du pays. Pourtant, au milieu de cette incroyable diversité, le français demeure le principal vecteur de communication dans l’espace public, les commerces et les services. C’est l’interculturalisme en action : une myriade de cultures qui interagissent et s’expriment, avec le français comme pont entre elles.
Étude de cas : Côte-des-Neiges, l’interculturalisme sur le terrain
Le quartier de Côte-des-Neiges accueille 75 groupes ethniques distincts, avec plus de 50 % de ses résidents étant des immigrants de première génération. Les services communautaires, les écoles et les commerces fonctionnent majoritairement en français, servant de langue d’intégration pour les nouveaux arrivants d’Asie du Sud-Est, d’Europe de l’Est ou d’Afrique du Nord. Cette approche se distingue du modèle torontois où l’anglais domine, mais sans le même rôle politique et symbolique de « langue commune » d’intégration. À Montréal, la diversité s’épanouit dans un cadre francophone, illustrant concrètement le projet interculturel.
La confusion dangereuse : non, le multiculturalisme ne veut pas dire que toutes les pratiques culturelles sont acceptables
Une des interprétations erronées les plus tenaces du multiculturalisme est qu’il équivaudrait à un relativisme culturel total, où toutes les pratiques, traditions et croyances se valent et doivent être acceptées sans condition. Cette confusion est non seulement fausse, mais elle est aussi dangereuse, car elle mine la confiance dans le modèle. D’ailleurs, cette perception semble gagner du terrain : un récent sondage montre un certain recul dans l’adhésion au concept. Selon une enquête menée en 2024, bien que la majorité soutienne encore l’idée, le pourcentage de Canadiens déclarant que le multiculturalisme les rend fiers a chuté de 9 points par rapport à l’année précédente, s’établissant à 65 %.
La réalité juridique est sans équivoque : le multiculturalisme canadien opère à l’intérieur d’un cadre légal strict défini par les lois du pays et, surtout, par la Charte canadienne des droits et libertés. Ce document fondamental garantit des droits qui ne peuvent être enfreints au nom d’une pratique culturelle ou religieuse. Ces droits incluent l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté d’expression, la protection contre la discrimination et la sécurité de la personne. Le multiculturalisme encourage la diversité, mais seulement jusqu’à la frontière de ces droits fondamentaux. Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point.
La Loi sur le multiculturalisme canadien affirme qu’elle s’applique dans le respect des lois et des valeurs fondamentales du Canada. Aucun accommodement ou reconnaissance culturelle ne peut contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, laquelle protège l’égalité entre les hommes et les femmes et autres droits fondamentaux.
– Gouvernement du Canada, À propos de la Loi sur le multiculturalisme canadien
L’arbitrage entre la liberté de religion ou d’expression culturelle et les autres droits garantis par la Charte est le rôle des tribunaux. C’est un processus constant d’équilibre et d’interprétation. Par exemple, une pratique qui prônerait la violence, la discrimination envers un groupe ou qui mettrait en danger des enfants ne serait jamais protégée par le multiculturalisme. Comprendre cette hiérarchie des normes est essentiel : la Charte des droits et libertés est le socle sur lequel tout le reste est construit. Le multiculturalisme n’est pas une permission de créer des sociétés parallèles avec leurs propres lois, mais un engagement à intégrer la diversité dans un cadre de valeurs communes et non négociables.
Accommodements raisonnables en entreprise : le guide pratique pour gérer les demandes sans créer de tensions
L’obligation d’accommodement raisonnable est l’une des applications les plus concrètes et parfois les plus complexes du multiculturalisme sur le lieu de travail. Pour un manager RH ou un employeur, naviguer ces demandes demande un équilibre entre le respect des droits de l’employé et les impératifs de l’entreprise. L’accommodement est une obligation légale, pas une faveur. Il vise à modifier une règle ou une pratique qui a un effet discriminatoire sur un employé en raison d’un motif protégé par la Charte (religion, handicap, etc.), à moins que cette modification n’impose une contrainte excessive à l’employeur.
La clé d’une gestion réussie réside dans le dialogue et la recherche de solutions créatives. Le processus doit être collaboratif. L’employé a la responsabilité d’informer son employeur de ses besoins et de coopérer à la recherche d’un accommodement. L’employeur, de son côté, doit prendre la demande au sérieux, analyser la situation et explorer différentes options. L’objectif n’est pas de trouver la solution parfaite pour l’employé, mais une solution raisonnable. Comme le rappelle l’Association canadienne pour l’emploi soutenu, ignorer cette obligation peut avoir des conséquences légales sérieuses pour l’entreprise.
Au Canada, les employeurs ont l’obligation légale d’accommoder les employés ayant des limitations dues à un problème de santé ou à un handicap. Le non-respect de cette obligation peut entraîner une responsabilité pour manque d’accommodement et discrimination.
– Association canadienne pour l’emploi soutenu, Guide sur les accommodements
La notion de « contrainte excessive » est le point d’équilibre. Un accommodement n’est plus « raisonnable » s’il met en péril la viabilité financière de l’entreprise, pose des risques majeurs pour la santé et la sécurité, ou altère fondamentalement la nature des opérations. Il est crucial pour l’employeur de documenter rigoureusement les motifs d’un refus en se basant sur des preuves concrètes et non sur des impressions. Le tableau suivant synthétise la distinction entre ces deux concepts pour une PME montréalaise.
Pour clarifier ce qui relève de l’accommodement acceptable et ce qui constitue une limite, voici une distinction pratique, contextualisée pour les PME montréalaises, basée sur les lignes directrices de la Commission des droits de la personne.
| Concept | Définition | Exemples Montréal PME |
|---|---|---|
| Accommodement Raisonnable | Modification des conditions de travail qui permet à une personne ayant des besoins spécifiques de participer pleinement, sans imposer de contrainte excessive à l’employeur | Horaire flexible pour Ramadan, télétravail partiel, équipement adapté, congés pour Nouvel An lunaire |
| Contrainte Excessive | Limite de l’accommodement raisonnable; lorsque l’accommodement deviendrait déraisonnablement coûteux, dangereux ou altérerait fondamentalement les opérations | Modification fondamentale du poste, coûts prohibitifs (>20% budget), risque de sécurité prouvé, impossibilité opérationnelle documentée |
| Processus à Montréal | L’employeur doit documenter les impacts mesurables avant de refuser un accommodement | Étudier impact réel, consulter employé, explorer alternatives, considérer impact sur autres, justifier refus par écrit |
Plus qu’un melting-pot : comment la diversité culturelle est devenue le véritable moteur de Montréal
Si le multiculturalisme pose des défis juridiques et sociaux, il est aussi, et peut-être surtout, un formidable moteur économique et créatif. À Montréal, la diversité culturelle n’est pas qu’un fait démographique; elle est tissée dans l’ADN de la ville et constitue l’un de ses principaux atouts. Cet avantage compétitif se mesure concrètement en termes d’attractivité touristique, d’innovation et de dynamisme commercial. La réputation de Montréal comme ville ouverte, accueillante et cosmopolite attire des visiteurs du monde entier, curieux de découvrir sa scène culinaire, ses festivals et ses quartiers uniques.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le bilan annuel 2024 de Tourisme Montréal, l’attractivité de la métropole ne cesse de croître. L’organisme rapporte une hausse de 7 % du nombre de visiteurs et un taux de satisfaction exceptionnel de 93 %. Ces résultats sont le fruit d’une image de marque forte, où la diversité est un argument de vente central. Comme le mentionne Yves Lalumière, PDG de Tourisme Montréal, « Avec plus de 10 millions de visites sur notre site web et quelque 30 millions de requêtes Google en 2024, l’intérêt pour Montréal ne cesse de croître. »
Ce dynamisme se matérialise dans les rues de la ville. Des artères comme la rue Jean-Talon ou le boulevard Saint-Laurent sont des microcosmes de cette économie de la diversité. Elles offrent une concentration de commerces, de restaurants et de marchés qui reflètent les multiples communautés de la ville. Ces lieux ne sont pas seulement des attractions touristiques; ils sont des pôles économiques vitaux qui créent des emplois, stimulent l’entrepreneuriat local et génèrent des retombées pour toute la métropole.
Étude de cas : La rue Jean-Talon, un microcosme économique
Historiquement liée à la communauté italienne, la rue Jean-Talon est aujourd’hui un carrefour de saveurs du monde entier. Autour du célèbre marché Jean-Talon, on trouve des restaurants syriens, des pâtisseries maghrébines, des épiceries latinos et des cafés vietnamiens. Des institutions comme le restaurant Alep, qui sert une cuisine syrienne et arménienne depuis des décennies, sont devenues emblématiques de Montréal. Cette diversité culinaire et commerciale n’est pas anecdotique : elle crée une expérience urbaine unique qui attire résidents et touristes, faisant de la diversité un moteur économique tangible et durable.
Attirer les meilleurs talents du monde : ce que les entreprises les plus attractives de Montréal font différemment
L’attractivité de Montréal ne se limite pas aux touristes. Elle s’étend aussi aux talents du monde entier, et les entreprises les plus performantes de la ville ont compris que la diversité n’est pas une question de conformité, mais un avantage stratégique majeur. Dans des secteurs comme le jeu vidéo, l’intelligence artificielle ou les effets visuels, où la créativité et l’innovation sont reines, la multiplicité des perspectives est un carburant essentiel. Ces entreprises ne se contentent pas d’accueillir la diversité; elles la recherchent activement.
Elles adoptent une approche proactive en matière de recrutement international et mettent en place des politiques d’inclusion robustes pour s’assurer que chaque employé, quelle que soit son origine, se sente valorisé et puisse contribuer à son plein potentiel. Cela va bien au-delà de la simple traduction de documents. Il s’agit de créer une culture d’entreprise où les différences sont vues comme une force, d’offrir un soutien à l’intégration pour les nouveaux arrivants et leurs familles, et de promouvoir des leaders issus de la diversité à tous les niveaux de l’organisation.
Cette philosophie est parfaitement incarnée par des géants montréalais comme Ubisoft, qui a fait de la diversité un pilier de sa stratégie de création. Antoine, un représentant RH de l’entreprise, résume parfaitement cette approche dans une entrevue :
Le jeu vidéo, c’est un milieu de création. Plus on a de façons de penser différentes, plus qu’on a de têtes, de vécu et d’expériences différentes, plus on crée et mieux on crée. Loin d’être un obstacle, la diversité est donc une force.
– Antoine, représentant RH Ubisoft Montréal, Entrevue GIT services-conseils en emploi
L’étude de cas d’Ubisoft Montréal montre comment cette vision se traduit en actions concrètes et en succès commercial. L’entreprise a compris que pour créer des mondes qui parlent à une audience globale, il faut une équipe qui reflète cette même diversité.
Étude de cas : Ubisoft Montréal, la diversité comme moteur d’innovation
Ubisoft Montréal recrute délibérément des talents internationaux pour ses équipes de développement. L’entreprise compte plus de 500 membres actifs dans ses groupes-ressources d’employés, soutenant les communautés asiatiques, noires, hispaniques et LGBTQIA+. Cette diversité n’est pas seulement une question d’image. Elle est considérée comme un atout stratégique qui permet de créer des univers de jeu, comme ceux de la franchise Assassin’s Creed, qui résonnent avec des joueurs du monde entier. En intégrant des perspectives culturelles variées dans le processus créatif, Ubisoft s’assure de produire des jeux plus riches, plus authentiques et, en fin de compte, plus rentables.
À retenir
- Le multiculturalisme est un cadre juridique : Il ne s’agit pas d’une simple philosophie, mais d’une loi canadienne qui impose des droits et des devoirs, notamment aux institutions fédérales.
- Il existe des limites claires : Aucune pratique culturelle ou religieuse n’est protégée si elle contrevient aux droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
- L’interculturalisme québécois est distinct : Contrairement au modèle fédéral, il promeut l’intégration de la diversité autour d’un socle commun, la langue française, créant une dynamique de convergence culturelle.
Les « enfants du multiculturalisme » parlent : comment ils réinventent leur identité canadienne
Au-delà des lois, des politiques et des modèles économiques, le résultat le plus fascinant du multiculturalisme se lit sur le visage des jeunes générations. Les « enfants du multiculturalisme », nés au Canada de parents immigrants ou arrivés très jeunes, ne vivent pas leur identité comme une simple addition de cultures. Ils créent quelque chose de nouveau, une identité composite et hybride qui est unique à leur expérience. Ils naviguent avec une fluidité remarquable entre la culture de leurs parents, la culture québécoise francophone de l’école et de l’espace public, et la culture nord-américaine anglophone omniprésente.
Cette nouvelle identité n’est pas une identité de division, mais de synthèse. Comme l’a observé Deirdre Meintel, une chercheuse spécialiste de ces questions, ces jeunes ne rejettent pas leurs origines, bien au contraire. Ils s’identifient fortement aux valeurs familiales et à la culture de leurs parents, tout en se sentant pleinement Montréalais et Canadiens. Cette dualité est souvent vécue de manière très positive, comme une richesse.
Les jeunes affirmaient en effet leur grand accord avec les valeurs familiales de leurs parents et s’identifiaient, sans qu’on le leur demande, au groupe d’origine de leurs parents. Les jeunes interlocuteurs s’identifiaient spontanément comme étant également montréalais et canadiens, parfois comme ‘Québécois, mais pas des vrais Québécois’ ou alors des ‘Québécois plus’.
– Deirdre Meintel, Quelle identité pour les jeunes issus de l’immigration ?
Cette réalité est particulièrement visible au sein de certaines communautés. Par exemple, la communauté maghrébine au Québec est particulièrement jeune et francophone, avec 43,8 % de ses membres ayant moins de 25 ans et 96,2 % parlant le français. Ces jeunes sont à l’avant-garde de la redéfinition de l’identité québécoise. Ils sont la preuve vivante que l’interculturalisme n’est pas une théorie, mais une réalité sociale en constante évolution, façonnée par ceux qui la vivent au quotidien. Ils ne sont ni seulement « d’origine » ni seulement « québécois », ils sont les deux à la fois, et bien plus encore. Ils sont le visage futur du Québec et du Canada.
Questions fréquentes sur le multiculturalisme canadien au quotidien
Le multiculturalisme protège-t-il toutes les pratiques culturelles ?
Non. Le multiculturalisme reconnaît et respecte la diversité culturelle, mais uniquement dans le respect des lois en vigueur et des droits fondamentaux garantis par la Charte québécoise et la Charte canadienne. Les pratiques qui violent l’égalité homme-femme, les droits des enfants, ou d’autres libertés fondamentales ne sont pas protégées.
Qui décide si une pratique culturelle est acceptable au Québec ?
Les tribunaux, notamment la Cour supérieure du Québec et le Tribunal des droits de la personne, statuent sur les conflits entre liberté culturelle/religieuse et droits fondamentaux. La Commission des droits de la personne joue aussi un rôle d’enquête et de médiation préalable.
Que faire en cas de conflit de voisinage lié à une pratique culturelle ?
Premièrement, contactez un médiateur de quartier ou composez le 311 à Montréal. Ensuite, consultez votre syndicat de copropriété (s’applicable) ou un organisme d’aide juridique. En dernier recours, adressez-vous à la Commission des droits de la personne ou aux tribunaux.
La Loi 21 du Québec s’applique-t-elle aussi aux immigrants et travailleurs privés ?
La Loi sur la laïcité de l’État s’applique uniquement aux employés de l’État en situation d’autorité (policiers, enseignants, juges, etc.). Elle ne s’applique pas aux travailleurs du secteur privé, dont les droits religieux restent protégés par la Charte québécoise.